Modèles théoriques

LES TRAVAUX SUR LA GOUVERNANCE ET SUR LA REGULATION DE LA GOUVERNANCE DES ORGANISATIONS A BUT NON LUCRATIF

Les modèles classiquement utilisés pour comprendre la gouvernance des OBNL sont présentés ici. Compte tenu des spécificités des OBNL telles que le CIO et les FI, le cadre d’analyse de Pérez (2003), intégrant une analyse de la « corporate governance » jusqu’à la méta gouvernance », présente un intérêt tout particulier pour notre étude.

Selon Pérez (2003), la gouvernance est un dispositif institutionnel et comportemental qui régit les relations entre les dirigeants d’une entreprise – plus largement d’une organisation – et les parties concernées par le devenir de ladite organisation, en premier lieu celles qui en détiennent les « droits légitimes ».

Toutefois, compte tenu de la nature de la dimension internationale, du nombre important de parties prenantes (internes : organisations continentales et nationales ; dirigeants  élus et bénévoles et personnel salariés ; externes : médias, sponsors, CIO, AMA[1], TAS[2] et ONU[3] principalement) et des caractéristiques du système sportif, la gouvernance du CIO et des FI, nous semble devoir être analysée à l’aune de trois dimensions : organisationnelle, politique et systémique (Henry, 2001).

La gouvernance (organisationnelle) concerne l’exercice du pouvoir au sein des organisations, les processus de décision et la conduite de la politique (structures et process) en vue d’améliorer la performance d’une organisation (Chappelet et Bayle, 2005) et l’atteinte de ses objectifs[4]. Ainsi, il existe une proximité avec l’approche en termes de « corporate governance » (Charreaux, 1997, 2003 ; Gomez, 1996, 2001 ; Pesqueux, 2000 ; Le joly & Moingeon, 2001 ; Pérez, 2003 ; Mintzberg, 2004 ; Finet, 2005). Cependant, cette grille de lecture s’avère inadaptée à la compréhension du fonctionnement des organisations à but non lucratif. En effet, d’une part, la nature multidimensionnelle des objectifs et de la performance de ces organisations est non réductible à la seule dimension financière (Madella, 1998 ; Bayle, 2000). D’autre part, la multiplicité des acteurs engagés dans l’organisation et la gestion du sport (clubs, fédérations nationales et internationales, ministère des sports…) complexifie les processus de prise de décision et d’exercice du pouvoir. Enfin, l’ambiguïté de la relation entre dirigeants élus (le plus souvent bénévoles) et cadres permanents rémunérés rend encore plus problématique la répartition du pouvoir de décision et des rôles (politique/managérial/opérationnel). Ces trois caractéristiques fondent la spécificité de la gouvernance des organisations à but non lucratif sur laquelle un certain nombre d’auteurs se sont déjà penchés (Fama & Jensen 1983 ; Courtois, 1997)[5].

La deuxième dimension (politique) concerne le rapport que les organisations entretiennent vis-à-vis du champ politique au double sens du terme. D’une part, il s’agit de rendre compte de la façon dont les institutions politiques (Etats, Union Européenne, Instances internationales type ONU…) cherchent à influencer le système sportif via la mobilisation de dispositifs réglementaires, financiers et éthiques. D’autre part, il s’agit d’analyser la question du pouvoir, non plus dans sa dimension intra, mais inter-organisationnelle. Les FI se doivent de gérer de nouvelles relations avec des acteurs privés (grandes entreprises sponsors, groupes de médias par exemples) publics (Union européenne ; ONU…) face aux enjeux en termes sociaux, éducatifs, économiques et symboliques que représente désormais le sport (cf. sur ce sujet l’étude publiée sous forme d’ouvrage de Chappelet, 2010 au sujet de l’autonomie du mouvement sportif international).

La troisième dimension (systémique) vise à rendre compte des situations d’interdépendance et des formes de « régulation des relations inter-organisationnelles » et de la coordination des actions au sein d’un système complexe. L’idée de complexité renvoie à l’incertitude de l’environnement, à la multiplicité des acteurs présentant des intérêts souvent différents (public, associatif, marchand) et à la multiplicité des niveaux de coordination (du local au global). Sur le plan dynamique, la notion de gouvernance systémique marque le passage d’une régulation/coordination centralisée des actions, hiérarchique et verticale (gouvernement) à une régulation/coordination horizontale en termes de réseaux fondés sur le consensus/compromis et le pouvoir partagé.

Ces principes couvrent à la fois une exigence de rationalité, de transparence, de négociation et d’écoute. Leur mise en œuvre progressive correspond à un mouvement sociétal qui s’exprime aussi bien à l’intérieur que dans l’environnement des organisations sportives, sous la forme d’exigences et de normes de fonctionnement imposées par les partenaires publics et privés. Mais de façon plus prosaïque, elle répond aussi aux normes de fonctionnement qu’imposent des partenaires, publics ou privés, soumis à des règles de gestion de plus en plus strictes et à des contrôles toujours plus rigoureux.



[1] AMA : Agence Mondiale Antidopage. L’AMA est considérée comme une organisation indépendante du CIO bien que la moitié de son budget provienne des droits de retransmission télévisée des Jeux et que son président, depuis 1999, soit un membre du CIO.

[2] TAS : Tribunal Arbitral du Sport

[3] ONU : Organisation des Nations Unies

[4] Bien que réfuté par Jensen (2008).

[5] Dans le secteur sportif associatif, les travaux sur ce thème sont plus récents et très épars (Papadimitriou, 1999 ; Bayle, 2001). Cf. cependant l’ouvrage de synthèse de Hoye & Cuskelly, 2006).